L’aventure a débuté il y a quelques mois, lorsqu’il s’est retrouvé piégé dans ce futur alternatif. Présage d’un avenir bien sombre pour lui comme pour ses proches — et pour le monde entier, on ne peut pas dire cette expérience ne se soit révélée anodine, il suffit de voir le comportement froid et distant de Cassandra pour le remarquer.
Dick aussi, a été impacté par le saut temporel. Sauf que dans son cas, on noterait plutôt une sensation d’insécurité croissante, et une perte de confiance déjà remarquée par certains initiés. Une partie de lui continue de se blâmer pour les évènements qu’il a vécus. Non. Pour les évènements qu’il vivra. Jesus, le voilà qui franchit une étape de plus vers la folie, comme si son bagage de remords n’était pas assez conséquent. Un psy s’arracherait les cheveux sur son cas d'auto-blâme, qui s'étend désormais à ses actes futurs.
Mais c’est plus fort que lui, il les a tous abandonnés : il a laissé mourir Alfred, tourné le dos à Bruce. Il a laissé Cassandra être enfermée, Jason être drogué ; il s’est même éloigné de Barbara. Pour ceux dont il a eu des nouvelles. Et par-dessus tout, il a trahi sa promesse de ne jamais prendre de vie. Pour toutes ces choses abominables, il n’a aucune excuse.

Cependant il en fait le serment : il ne refera pas les mêmes erreurs.

Aujourd’hui, Grayson s’accroche à l’espoir que, lorsqu’il s’agit de l’avenir, rien n’est jamais défini avec certitude. Si un évènement ne s’est pas encore produit sur sa ligne temporelle, alors il est toujours temps de changer le cours des choses.

Pourtant, si cette escapade aura apporté son lot de questions et incertitudes, l’une d’entre elles prime néanmoins sur toutes les autres : qui, ou qu’est-ce qui serait assez puissant pour manipuler l’espace temps à une telle échelle ?
Cette même interrogation tourne en boucle dans l’esprit du jeune justicier depuis ce jour là, bien qu’à ce stade, aucune réponse ne laisse quoi que ce soit de bon à présager. Le danger est invisible, et frappe sans prévenir. Comment savoir si le présent n’a pas déjà été altéré ? Et s’il existait une version le l’Histoire où Barbara avait toujours l’usage de ses jambes ? Où Jason n'avait jamais trouvé la mort ?
La frontière entre le réel et l’illusion n’a jamais semblé aussi fine.

Voilà donc la matière première de ses travaux ces derniers mois, essentiellement. Le garçon Gothamite s’est enfermé dans cette routine d’investigation depuis son retour, prenant à peine le temps de se reposer alors qu’il travaillait d’arrache pied, main dans la main avec Bruce — au début contre l’avis de ce dernier. Comme s’il lui avait laissé le choix, tiens : après ce qu’il a vu, Richard ne peut pas simplement rester sur le banc de touche. Par ailleurs son père adoptif n’est pas obligé de toujours porter seul sa croix.
En vérité, Dick soupçonne l’homme d’avoir eu vent de la menace bien avant tout le monde, d’avoir déjà noté des anomalies auparavant, d’une certaine manière. Et de ne pas avoir partagé l’information. Mais peu importe, c’est Batman : il a toujours cinq longueurs d’avance sur tout le monde, et Dick le suivrait aveuglément.

Comme il était à prévoir, le Chevalier Noir étant le Chevalier Noir, Bruce a plus ou moins fini par tout reprendre en main. Inutile de dire que l’idée de s’associer avec Lex Luthor était loin d’enchanter l’Oiseau Bleu de Gotham dans un premier temps — sujet de discorde pendant un couple de jours entre nos deux chauves-souris. Il s’agit après tout de l’homme qu’il a vu enlever sa fiancée dans le futur ; l’homme qui a pris le contrôle du monde et s’en est pris à la sécurité globale.
Mais à tout bien y réfléchir, Bruce avait raison et il ne pouvait se permettre de jouer les garçons égoïstes. Toutes les mains seront nécessaires, il le sait, et Luthor reste l’un des plus grands génies du monde actuel.

***

Nightwing a perdu le contact avec Batman il y a quelques minutes, le temps que Bruce effectue ses manœuvres dans le ciel grisonnant. Au dessus de leurs têtes, émanant de l’immense architecture métallique, des éclairs bleutés pourfendent l’atmosphère — de quoi rendre ses propres bâtons d’eskrima bien ridicules en comparaison. Son regard retombe sur l’homme en combinaison. Dick n’est toujours pas serein avec la présence du meneur de l’Injustice League, mais ce sera un mal pour un bien ; c’est en tout cas ce qu’il s’efforce à croire.

A l’heure actuelle, il est impossible de déterminer si le piège va fonctionner, tant que l’on ne connaît pas l’étendue des pouvoirs de celui qu’ils ont baptisé le « Time Trapper ». Tout comme, ils n’ont aucune idée de l’approche à adopter pour l’affaiblir. Mais si le premier Robin devait ressentir la moindre appréhension, il garde la tête parfaitement claire : ses inquiétudes potentielles, il les a laissées dans les baskets de Dick Grayson. Pour l’heure il n’est plus que Nightwing, et sur le terrain il n’y a pas de place pour le doute.

Le justicier hoche la tête aux instructions du physicien. Héros, criminels, indépendants se sont montrés pour affronter cet ennemi commun ; une belle brochette, aussi hétérogène qu’improbable. Mais une brochette qui ravive la foi en l’humanité. Bientôt, les festivités pourront commencer.

— ‘key, nous n’avons pas exactement pour habitude de nous tenir joyeusement par la main, souligne le jeune prodige, mais aujourd’hui chacun de nous a choisi de répondre à l’appel. Nous nous battons pour une cause commune ; il va falloir le garder à l’esprit. Maintenant, let’s do some good !

Codage par Magma.

Lawton lâche une bouffée de fumée, qui bientôt disparaît dans l’immensité grisonnante surplombant leurs têtes. Le tabac pénètre ses poumons, lentement, aussi doucement qu'une larme sur un visage froid – s'infiltre dans la paroi de son système respiratoire déjà bien endommagé. Fumer tue. Mais lui, il est déjà mort. Mort à l'intérieur. Et dans les journaux aussi. Devant eux, un géant de métal crépite de toutes parts, animé par d'intenses flashes brisant l'atmosphère lugubre des environs pourtant déserts, si ce n'est que pour ces fantômes de chantiers à peine entamés. L'oiseau d'acier manœuvre autour de l'immense construction pour, il semblerait, charger la grande sphère bleuâtre. Un sinistre grognement, narquois et faussement impressionné, s'échappe de sa gorge.

Voilà quelques temps que les rumeurs circulent dans le monde criminel, un vaste empire avec lequel Lawton limite les interactions depuis qu'il a décidé de voler en dessous des radars, mais qu'il ne manque pas pour autant de surveiller. Lex Luthor, leader incontesté de l'Injustice League et dont le génie est à la hauteur de sa prétention, rassemble les troupes. Il a lancé un appel aux armes à qui voudra l'entendre, pour combattre aux côtés des justiciers.
Si, d'ordinaire, le tireur d'élite se serait contenté de hausser les épaules pour passer à autre chose, qu'il n'aurait pas vraiment porté d'attention aux imbécillités du milliardaire un peu trop ambitieux à son goût, les précisions sur l'ennemi à vaincre ont pourtant cette fois-ci suscité son intérêt. Le « Time Trapper », qu'il a entendu dire. Une entité capable de s'amuser avec le temps. Un scénario un peu trop familier pour n'être qu'une coïncidence, si vous voulez l'avis de l'assassin bien loin d'être bête.

Floyd se souvient de l'Antiquité, de l'arène et des gladiateurs. Avec un peu d'imagination, il peut encore sentir la morsure abominable du soleil sur son visage, ou sentir le sable s'infiltrer entre les interstices de ses sandales. Un voyage temporel duquel il ne ramène pas nécessairement de bons souvenirs. Un idiot en toge s'est directement adressé à eux avant de les renvoyer dans leur temps, leur laissant croire à un privilège en n'apportant aucune altération à leur mémoire.

A moins qu'il n'existe deux entités aussi puissantes, voulant réécrire leur propre histoire, le marionnettiste est de retour, et qui sait quels sont des desseins.

Le « Time Trapper » a donc d'abord vu en Deadshot un allié potentiel, comme en tous les autres singes qu'il a bêtement testés dans son laboratoire de maître temporel. Il lui a conseillé de quitter la Suicide Squad, ce qu'il a d'ailleurs fait. Il lui a suggéré de viser plus haut, d'aller plus loin. Mais le quadragénaire n'a jamais aspiré à de tels projets, le pouvoir ne l'intéresse pas. Et aujourd'hui, le voilà qui s'apprête à lui faire face pour, à terme, le renvoyer dans sa niche. Quelle ironie du sort.

La vérité, c'est qu'il fait tout ça pour Zoe. Lawton a beau être un sale type, il ne veut certainement pas voir un monde dirigé par des criminels, une réalité où règne le mal. Lui, il n'a pas eu le choix. Mais Zoe doit grandir dans un monde sûr, dans un univers où il en est persuadé elle deviendra quelqu'un de bien. Sa timeline pue peut-être complètement de son côté, mais il y tient, tout simplement parce qu'il ne peut risquer une chose aussi critique que l'existence même de sa fille.
Ce qu'il ne pourra jamais avouer cependant, c'est que, indépendamment du sort de la seule personne qui compte à ses yeux, il reste encore une infime partie de lui qui a la conviction de faire ce qui est juste. Probablement la même partie que celle qui l'a poussé à s'engager avec les rangers dans ce qui lui semble être une autre vie. Deadshot ne ressent peut-être pas la compassion, mais il a encore suffisamment la tête sur les épaules pour comprendre que cette crise est majeure et touche chaque être vivant à sa manière ; que le danger est partout et qu'il doit apporter sa modeste contribution à l'édifice.

Et ce, même si le prix à payer est la fin de sa couverture d'homme mort, peut-être pour le devenir pour de bon. Comme si cet argument avait déjà eu du poids avant.

A ce propos, le borgne ne serait pas surpris de voir rappliquer cette garce de Waller sur le champ de bataille... si jamais quelqu'un avait pensé à prévenir l'A.R.G.U.S. Visiblement, leur nom s'est perdu sur les cartons d'invitation ; ou alors, ils sont en retard. De toute manière, maintenant que Harley Quinn et Deadshot lui ont fait faux bond, la Suicide Squad ne vaut guère plus que deux caramels à un sou.

Non loin de la carcasse métallique qu'est Deathstroke, le tueur à gages tire une dernière fois sur sa cancéreuse avant de la jeter au sol et la piétiner grossièrement. Floyd referme son casque, croise les bras sur son torse. Mais l'homme reste muet, comme détaché de la scène, froid et indéchiffrable. Il n'a jamais été bien friand des beaux discours, ou des discours de manière plus générale. Il n'a pas l'intention de causer plus que nécessaire durant les hostilités, et même après. Floyd, il est là pour faire son taff, pas pour se faire de nouveaux amis et encore moins pour ramasser des lauriers comme tous ces supers héros en costume.

Codage par Magma.