National City. Une ville de la côte Ouest, un climat chaud, un centre économique, une équipe de football et une franchise mineure de basketball. Voilà toutes les informations qu'avait pu réunir l'Ase sur l'endroit avant de décider de s'y rendre. Une nouvelle méthode qui ne demandait qu'à faire ses preuves: d'abords des recherches, ensuite le déplacement. Il n'y avait que peu de temps que la Déesse arpentait la surface de la Terre et déjà collectionnait-elle de belles boulettes. Certains endroits sur le globe n'étaient pas très accueillants et s'y perdre était une très mauvaise idée. De même, il était nécessaire d'être prudent à proximité des villes abritant les fameux "Justiciers" ou "Dieux". Une confrontation serait inévitable bien sûr, les déplacements de Sól n'étant pas des plus discrets, mais cette dernière préférait repousser l'échéance. Elle n'était pas encore prête. Une incompréhension mêlée à une légère frustration hantait son esprit. Ce mélange aboutissait à une simple question: comment se confronter en tant que Déesse à des êtres que les humains avaient érigés au même rang ?

Ayant atterri hors de la ville, Sól avait trouvé après de nombreuses péripéties un car pour s'y rendre. Quelques charmes, sa légère robe blanche et sa présence surnaturelle plus tard, la voilà qui s'élançait en direction de National City. Inconfortablement installée, regardant par la fenêtre à intervalles réguliers, l'Ase observait le paysage. L'atmosphère était lourde à cause de la chaleur. Quelques quartiers extérieurs traversés plus tard, le car s'engouffra dans les premières avenues. Premier constat, il faisait chaud, très chaud. Les buildings imposants possédaient pour la plupart des façades entièrement vitrées, réfléchissant ainsi les rayons de l'astre solaire. Le tout venant recherchait de l'ombre.

Le menton posée sur sa paume, Sól observa ainsi les diverses avenues, boulevards et parcs, ne leur accordant qu'un intérêt très mitigé. Mais une sensation la saisi jusqu'au plus profond de ses entrailles. Les yeux écarquillés, se redressant, elle se leva comme un robot et se dirigea vers l'avant du car. Ce dernier venait de s'immobiliser. Posant sa main sur l'épaule du chauffeur, elle se plaça en fasse de la porte. « Vous descendez là Mademoiselle ? Le terminus n'est plus très loin, ce n'est qu'un bref ralentissement. » Surprenant le regard de l'Ase se posant sur lui, mêlant détermination, incompréhension et crainte, il ouvrit la porte d'une main tremblante. Descendant lentement, Sól se mit à courir le long des véhicules à l'arrêt. Après quelques minutes, elle arriva à un carrefour ou des voitures étaient gravement accidentées. Des pare-chocs enfoncés, des vitres brisées, quelques roues pointant vers le ciel mais pire encore, des victimes. La plupart des humains proches de la scène n'osaient pas s'approcher. Seuls quelques courageux tentaient de porter secours aux accidentés. Perplexe, l'Ase finit par imiter ces mortels. Était-ce son instinct qui lui jouait des tours ? Le danger qu'elle pressentait, d'où pouvait-il bien venir ?

Sól aida un duo à sortir une jeune femme de la carcasse de sa voiture. Au loin les premières sirènes d'ambulances indiquaient que les secours arrivaient. Une caméra semblait déjà être présente pour couvrir l'évènement. A croire qu'un journaliste et son caméraman avaient été témoins de la scène, où s'étaient trouvés à quelques rues de là. L'information avant tout. L'Ase pouvait d'ailleurs entendre le jeune homme loué dans son micro le courage et l'empathie des improvisés sauveteurs.

Finalement, l'instinct de la Déesse ne l'avait pas trompé. Un crissement de pneus retenti au loin, suivi de sirènes de police. Tournant presque instantanément la tête vers son origine, Sól se mit en mouvement, mue par son instinct. La Déesse s'élança donc à toute jambe sur la route en direction d'une entrée du carrefour. Face à elle, à une centaine de mètres, un camion blindé lancé à toute allure qui semblait ne pas vouloir ou pouvoir s'arrêter. Ce dernier se frayait un chemin en écartant les voitures arrêtées sur son passage. Un rapide regard jeté en arrière, l'Ase compris le danger. Des victimes étaient encore dans les carcasses et la collision s'annonçait inévitable. La scène sembla alors se dérouler au ralenti. Courant dans sa direction, la jeune femme alla à la rencontre du fourgon. Accusant le coup en posant ses mains sur son pare-choc, ses pieds commencèrent à glisser, ses chaussures se désintégrant sur l’asphalte. Freinant au maximum le véhicule, grimaçante, elle sentit que cela ne serait pas suffisant. L'inertie du véhicule était trop importante. Cette enveloppe humaine était limitante, trop limitante. Libérant son énergie, la Déesse retrouva alors sa véritable forme.

Le fourgon s'immobilisa net dans un fracas assourdissant. Ses roues arrière se soulevèrent puis retombèrent. Après le fracas, le silence, seulement perturbé par un bruissement continu typique d'après accident. Une épaisse fumée noire s'échappait du moteur broyé. Retirant ses bras de plasma brûlants de la taule en train de fondre, Sól recula et se tourna vers les mortels à quelques mètres de là. « Tout va bien ? » Demanda-t-elle d'une voix surnaturellement grave, mais au demeurant toujours féminine. Néanmoins, c'est de la peur que la Déesse lu dans les yeux des humains. Les portes avants et arrières du fourgon s'ouvrirent et des individus encagoulés, vêtus d'habits paramilitaires et de fusils d'assaut descendirent. La panique gagna alors la foule qui commença à se disperser en hurlant. Deux des hommes armés commencèrent à mettre l'Ase en joue alors que les autres allèrent se poster derrière le fourgon blindé pour accueillir les véhicules de polices qui se rapprochaient. La situation allait probablement dégénérer d'un instant à l'autre.